Déplorant « un relâchement », la ministre du Travail a exhorté les entreprises à recourir davantage au télétravail.
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Comment inciter les entreprises à se mettre davantage au télétravail quand on n’a ni carotte, ni véritablement de bâton ? La question taraude l’exécutif depuis des mois. Elle est réapparue ce 4 février, lors du point presse du Premier ministre, Jean Castex. La ministre du Travail Élisabeth Borne à, de nouveau, appelé les entreprises à s’en saisir plus massivement. « Le recours au télétravail s’érode progressivement depuis fin novembre », a déploré la ministre, chiffres à l’appui. Selon les données de son ministère : un tiers des actifs (36%) peut télétravailler sans difficultés. Mais parmi eux, 64% des actifs seulement ont télétravaillé au moins partiellement la semaine dernière contre 70% début novembre, soit une baisse de 6 points. Et 30 % seulement de ceux qui peuvent le pratiquer à 100% le faisaient contre 45 % début novembre, soit une baisse de 15 points. Or, une étude récente menée par le professeur Fontanet indique que le risque de contamination est diminué de 20 % pour les personnes qui sont en télétravail partiel et de 30% pour celles qui sont à temps complet, pointe l’exécutif.
« Chaque jour compte ! », a insisté Élisabeth Borne, enjoignant les entreprises à se mobiliser pour que les taux de salariés travaillant à distance s’améliorent, taclant au passage plusieurs secteurs d’activité (banque et de l’assurance, de la communication, de l’informatique, des activités immobilières et juridiques…)particulièrement à la traîne, avec lesquelles elle échangera prochainement. Un courrier a d’ailleurs été adressé aux représentants des organisations patronales et syndicales leur demandant de « veiller à ce que les instances de dialogue social se réunissent sans délai dans les entreprises » (…). En ligne de mire: « éviter un nouveau confinement »…
Mais voilà. Côté entreprise, ce « coup de menton » ne passe pas vraiment. « Le procès d’intention aux DRH est un peu malvenu. En septembre, on avait dénombré 1000 accords de dialogue social signés ou en cours de signature depuis le début de l’année. Quand la ministre dit qu’il faut pousser les entreprises à signer des accords, on ne le prend donc pas très bien », s’agace Benoît Serre, vice-président de l’ANDRH (Association nationale des DRH). On est tous dans la panade. » D’autant qu’un véritable mal-être est en train de s’installer chez les télétravailleurs. » On est entrés dans une crise psychologique épouvantable. Les salariés sont cuits !, poursuit Benoît Serre. De plus en plus de gens nous disent qu’ils sont fatigués et qu’ils aspirent à retrouver une vie sociale dont l’entreprise fait partie. »
Un point de vue partagé par le chef de file de la CFE-CGC, François Hommeril. » Les postes 100% télétravail relèvent du fantasme . 44% des salariés en télétravail en souffrent », dit-il, reprenant lui aussi une étude du ministère du Travail. Et le lieu du travail n’est selon lui pas le problème. « Il y a très peu de clusters en entreprises… Elles ont mis en place les mesures qu’il fallait. La problématique vient des transports », insiste le syndicaliste, satisfait tout de même « de la confiance faite aux acteurs de terrain ».
Si elle prône le dialogue, la ministre a aussi rappelé que de nouvelles consignes ont été données afin de renforcer les contrôles de l’inspection du travail. Reste que les fondements juridiques sur lesquels cette dernière s’appuie sont limités. Le protocole sanitaire n’est qu’un ensemble de recommandations. Conséquences, « les sanctions qui seraient prises en application de la récente circulaire de la Direction générale du travail pourront être contestées à partir du moment où l’entreprise justifie qu’elle a mis en place les mesures barrières pour prévenir la propagation du virus dans son enceinte (port du masque et distanciation dans les bureaux partagés, respect des flux de circulation, gel hydroalcoolique et télétravail pour ceux qui le souhaitent…) », analyse Etienne Pujol, avocat chez Berry Law. Une menace somme toute assez floue donc.