[EN BREF] LOI DE FINANCES 2024 (LF) – PRINCIPALES MESURES FISCALES CONCERNANT LES ENTREPRISES 

Jan 30, 2024

ARTICLE 33 LF – TAXATION à 15% DES MULTINATIONALES 

L’article 33 de la loi de finances pour 2024 prévoit la transposition en droit national de la directive (UE) 2022/2523 du 14 décembre 2022 visant à assurer un niveau minimum d’imposition fixé à 15% (taux effectif, i.e., rapport entre le montant des impôts « couverts » (impôts sur les bénéfices et impôts équivalents supportés par les entités) et le résultat réalisé par ces entités après retraitements spécifiques) aux entreprises situées en France qui sont membres d’un groupe d’entreprises multinationales réalisant un chiffre d’affaires consolidé égal ou supérieur à 750 M€ au cours d’au moins deux des quatre exercices précédents, ainsi qu’aux entreprises situées en France qui sont membres d’un groupe dont l’activité est développée sur le seul territoire français et respectant le même seuil de chiffre d’affaires. 

Entrée en vigueur : exercices ouverts à compter du 31 décembre 2023. 

ARTICLE 35 LF – CREATION D’UN CREDIT D’IMPOT AU TITRE DES INVESTISSEMENTS EN FAVEUR DE L’INDUSTRIE VERTE (C3IV) 

L’article 35 de la loi de finances pour 2024 instaure un nouveau crédit d’impôt temporaire en faveur des entreprises qui réalisent des dépenses d’investissements dans l’industrie verte en faveur de la transition vers une économie décarbonée, à savoir dans les secteurs d’activités contribuant à la production de batteries, de panneaux de solaires, d’éoliennes et de pompes à chaleur. 

Le bénéfice du C3IV sera conditionné à la délivrance d’un agrément préalable du ministre chargé du budget sur le plan d’investissement de l’entreprise. 

L’entreprise ne doit pas être une entreprise en difficulté (au sens de l’article 2 du règlement UE/651/2014 du 17 juin 2014) à la clôture du dernier exercice précédant la délivrance de l’agréement et respecter ses obligations fiscales, sociales et le dépôt de ses comptes annuels au cours de chacun des exercices au titre desquels le crédit d’impôt est imputé. 

Par ailleurs, les investissements contenus dans le plan, soumis à l’agréement du ministre, doivent être exploités en France pendant au moins 5 ans à compter de la date de leur mise en service et être conforme à la législation environnementale. Ce délai d’exploitation est ramené à 3 ans pour les PME. 

L’assiette du crédit d’impôt est constituée des dépenses engagées en vue de la production ou de l’acquisition d’actifs corporels (bâtiments, installations, équipements…) et incorporels (les droits de brevets, licences, savoir-faire…). 

Le taux du CI3V est fixé en principe à 20 %. Néanmoins, le taux varie entre 20% et 60% en fonction de (i) la taille de l’entreprise et (ii) la localisation des investissements. 

Le montant du crédit d’impôt ne peut excéder 150 M€ par entreprise et peut être porté à 200 M€ ou 350 M€ en fonction de la localisation des investissements. 

Le C3IV s’impute sur l’impôt sur le revenu ou sur l’impôt sur les sociétés dû par l’entreprise au titre de l’année ou de l’exercice de l’engagement des dépenses mentionnées dans le plan d’investissement. Dans l’hypothèse où le montant du crédit d’impôt excède l’impôt dû au titre d’une année ou d’un exercice, l’excédent est immédiatement restitué. 

Les demandes d’agrément préalables peuvent être déposées depuis le 27 septembre 2023.

Entrée en vigueur : l’entrée en vigueur sera fixée par décret au plus tard trois mois après réception par la Gouvernement de la réponse de la Commission européenne en matière d’aides d’Etat. 

Fin du dispositif : seuls les projets d’investissement qui seront agréés avant le 31 

ARTICLE 44 et 69 LF – NOUVEAU STATUT DE JEUNES ENTREPRISES INNOVANTES ET SUPPRESSION DE L’EXONERATION D’IMPOT SUR LES BENEFICES 

Les articles 44 et 69 de la loi de finances pour 2024 prévoient (i) l’instauration d’une nouvelle catégorie de Jeune Entreprise Innovante (JEI) : la Jeune Entreprise de Croissance (JEC) et (ii) la suppression de l’exonération d’impôt sur les bénéfices pour les JEI et JEC créées à compter du 1er janvier 2024. 

Concernant l’instauration d’un nouveau statut d’entreprises innovantes qui pourront bénéficier d’allègements fiscaux et sociaux, une entreprise sera désormais éligible au statut de JEC dès lors (i) qu’elle réalise des dépenses de recherche et développement comprises entre 5% et 15% de leurs charges totales et (ii) qu’elle satisfait à des indicateurs de performance économique (dont les modalités seront précisées par décret). 

Nota : l’ensemble des autres exonérations continuent de s’appliquer (i.e., exonérations en matière d’impôts locaux et de cotisations sociales). 

Entrée en vigueur : exercices ouverts à compter du 1er janvier 2024. 

ARTICLE 52 LF – MISE EN CONFORMITE DU REGIME MERE-FILLE AVEC LE DROIT DE L’UNION EUROPEENE 

L’article 52 de la loi de finances pour 2024 met en conformité avec le droit de l’Union Européenne (arrêt de la CJUE du 11 mai 2023, aff. 407/22), le régime des produits de participation reçus de filiales européennes. 

Pour rappel, antérieurement, lorsqu’une société mère située en France disposait de filiales intégrables en France mais avait refusé volontairement de constituer un groupe d’intégration fiscale (i.e., non-souscription des lettres d’option / d’accord de la société mère) et percevait des dividendes en provenance de filiales européennes, elle ne pouvait bénéficier du régime d’exonération à hauteur de 99% des dividendes spécifiques aux sociétés membres d’un groupe d’intégration fiscale. 

Désormais, dans une telle situation, la distribution peut bénéficier du régime d’exonération. 

Toutefois, les filiales européennes doivent satisfaire aux conditions d’appartenance au groupe (autres que l’assujettissement à l’IS) depuis plus d’un exercice. 

Entrée en vigueur : exercices clos à compter du 31 décembre 2023 (soit pour les dividendes perçus à compter de l’exercice 2024). 

ARTICLE 62 LF – AMENAGEMENT DES CONDITIONS D’APPLICATION DU REGIME D’INTEGRATION FISCALE EN PRESENCE DE DISPOSITIFS D’ACTIONNARIAT SALARIE 

Pour rappel, dans le cadre de l’intégration fiscale, afin de favoriser l’actionnariat salarié, le taux de détention du capital de la société (mère ou filiale) est déterminé en faisant abstraction, dans la limite de 10 % du capital, des titres émis ou attribués au profit des salariés dans le cadre de certaines procédures spécifiques telles que : la souscription ou l’achat d’actions (stock-options), l’attribution gratuite d’actions ou l’augmentation de capital réservée aux adhérents d’un plan d’épargne d’entreprise. 

L’article 62 de la loi de finances pour 2024 entend maintenir ces modalités particulières de calcul du capital social de la société intégrante lorsque le salarié cesse ses fonctions dans la société qui l’employait, lors de l’émission ou de l’attribution des titres, pour rejoindre une autre société du même groupe économique incluse dans le plan d’émission ou d’attribution (i.e., non prise en compte des titres détenus par ledit salarié dans limite de 10% du capital). 

Corrélativement, les modalités particulières de calcul cesseraient de s’appliquer à compter de l’exercice au cours duquel l’un des évènements ci-après se produit : 

– le salarié qui détient ces titres les cède ; 

– le salarié cesse ses fonctions dans le groupe de sociétés incluses dans le périmètre du plan ; 

– le salarié exerce ses fonctions dans une société qui n’est plus incluse dans le périmètre du plan au cours de l’exercice ; ou 

– lorsque la société qui emploie le salarié détenteur des titres, initialement incluse dans le périmètre du plan, sort de ce périmètre. 

Entrée en vigueur : exercices clos à compter du 31 décembre 2023. 

ARTICLE 79 LF – AMENAGEMENT DE LA SUPRESSION DE LA CVAE 

La suppression de la dernière tranche de Contribution sur la Valeur Ajoutée des Entreprises (CVAE) est étalée sur 4 ans et non sur un an, comme initialement prévu : 

– 0,28 % en 2024 ; 

– 0,19 % en 2025 ; 

– 0,09 % en 2026 ; et 

suppression en 2027. 

Elle est toutefois supprimée dès 2024 pour les redevables de la cotisation minimum. 

En contrepartie, la loi de finances pour 2024 prévoit également : 

(i) la réduction sur 4 ans du plafonnement de la CET en fonction de la valeur ajoutée : 

  • 1,531 % en 2024 ; 
  • 1,438 % en 2025 ; et 
  • 1,344 % en 2026. 

(ii) la suppression de la cotisation minimum à la CVAE ; et 

(iii) l’aménagement de la taxe additionnelle à la CVAE : 

  • 9,23 % en 2024 ; 
  • 13,84 % en 2025 ; et 
  • 27,68 % en 2026. 

ARTICLE 82 LF – FRANCHISE DE TVA 

L’article 82 de la loi de finances pour 2024 prévoit la transposition de la directive (UE) 2020/285 du 18 février 2020 relative au système commun de TVA en ce qui concerne le régime particulier des petites entreprises. 

Ainsi, les entreprises établies dans un Etat Membre de l’Union Européenne peuvent bénéficier du régime de la franchise de TVA dans l’État membre d’établissement et dans les autres États membres, à condition de ne pas dépasser un plafond de chiffre d’affaires fixé à 100.000 € annuel au niveau européen. 

Le plafond national du chiffre d’affaires permettant de bénéficier de la franchise en base de TVA est également unifié au niveau de l’Union européenne : 

  • 85.000€ (au lieu de 91.900€) pour les activités de vente de biens corporels, de ventes à consommer sur place ou de fourniture de prestations d’hébergement ; et 
  • 37.500€ (au lieu de 36.800€) pour les autres activités de prestations de services. 

Entrée en vigueur : à compter du 1er janvier 2025. 

ARTICLE 84 LF – MISE EN CONFORMITE DU REGIME DE LA PARAHOTELLERIE AVEC LA DIRECTIVE TVA 

L’article 84 de la loi de finances pour 2024 transpose la décision du Conseil d’Etat du 5 juillet 2023, qui avait considéré l’article 261 D-4° du CGI partiellement incompatible avec la directive TVA. 

Pour rappel, l’article 261 D-4° du CGI prévoit que les locations occasionnelles, permanentes ou saisonnières de logements meublés ou garnis à  usage d’habitation sont exonérées de TVA. Ainsi, pour être soumise à la TVA, les prestations d’hébergement doivent être fournies dans le cadre du secteur hôtelier ou de secteurs ayant une fonction similaire (location meublée) et inclurent 3 des 4 prestations suivantes : 

  • le petit-déjeuner ; 
  • le nettoyage régulier des locaux ; 
  • la fourniture de linge de maison ; et 
  • la réception, même non personnalisée, de la clientèle. 

La loi de finances pour 2024 a (i) maintenu cette condition liée au nombre et à la nature des prestations et a (ii) ajouté une condition supplémentaire au titre de laquelle ces prestations doivent être offertes au client pour une durée n’excédant pas 30 nuitées. 

Cette modification a pour objectif d’opérer une distinction claire entre (i) le secteur hôtelier et les secteurs ayant une fonction similaire et (ii) le secteur résidentiel. 

En conséquence, le taux intermédiaire de 10% est désormais généralisé et applicable tant à la fourniture d’hébergement dans le cadre du secteur hôtelier ou de secteurs ayant une fonction similaire qu’aux locations de logements meublés à usage résidentiel dans le cadre d’autres secteurs, lorsqu’elles répondent aux conditions susvisées. 

Entrée en vigueur : à compter du 1er janvier 2024. 

ARTICLE 91 LF – MODIFICATION DU CALENDRIER DE MISE EN PLACE DE LA FACTURATION ELECTRONIQUE 

L’article 91 de la loi de finances pour 2024 prévoit un nouveau calendrier d’application des obligations de facturation électronique et de transmission des données de transaction et de paiement instaurées par l’article 26 de la loi du 16 aout 2022 (2022-1157). 

Concernant la réception de factures électroniques : elle sera obligatoire pour tous les assujettis quelle que soit la taille de leur entreprise, à compter du 1er septembre 2026. 

Concernant l’émission de factures électroniques et l’obligation de transmission des données (e-reporting) : 

  • pour les grandes entreprises, les entreprises de taille intermédiaire (i.e., (i) qui ne qualifie pas de PME et (ii) de moins de 5.000 personnes et chiffre d’affaires annuel n’excédant pas 1.500 M€ ou un total bilan n’excédant pas 2.000 M€) et les assujettis uniques (groupes TVA) : ce sera obligatoire à compter du 1er septembre 2026 ; 
  • pour les microentreprises (i.e., moins de 10 personnes et chiffre d’affaires annuel ou total bilan n’excédant pas 2 M€) et petites et moyennes entreprises (PME, i.e., moins de 250 personnes et chiffre d’affaires annuel n’excédant pas 50 M€ ou total bilan n’excédant pas 43 M€) non-membres d’un assujetti unique : ce sera obligatoire à compter du 1er septembre 2027. 

Nota : ces dates pourront toutefois être reportées de 3 mois au plus (i.e., selon les cas au plus tard au 1er décembre 2026 ou au 1er décembre 2027). 

ARTICLE 116 LF – RENFORCEMENT DU CONTRÔLE DES PRIX DE TRANSFERT DES ENTREPRISES MULTINATIONALES 

Les mesures de renforcement prévues par l’article 116 de la loi de finances pour 2024 sont les suivantes : 

  • le seuil de chiffre d’affaires / actif brut à partir duquel les entreprises sont soumises à l’obligation documentaire des prix de transfert, visée à l’article L13 AA du LPF, est abaissé de 400 M€ à 150 M€ ; 
  • l’amende minimum prévue à l’article 1735 ter du CGI pour défaut de présentation ou présentation partielle de la documentation relative aux prix de transfert est portée de 10.000 € à 50.000 € ; 
  • l’article 57 du CGI est complété et prévoit une présomption simple de transfert indirect de bénéfice lorsqu’est constaté un écart entre (i) la méthode de prix de transfert détaillée dans la documentation des prix de transfert et (ii) la méthode pratiquée. Ainsi, l’administration se trouve dispensée d’établir l’existence d’un avantage anormal ; et 
  • l’administration fiscale dispose désormais de nouveaux moyens lui permettant de contrôler des actifs incorporels difficiles à évaluer et prévoit notamment que l’administration pourra utiliser les résultats réels réalisés postérieurement à l’exercice au cours duquel a eu lieu le transfert de l’actif incorporel en cause pour présumer une sous-évaluation / surévaluation de l’élément au moment de son transfert. 

Entrée en vigueur : exercices ouverts à compter du 1er janvier 2024. 

ARTICLE 117 LF – AMENAGEMENT DES MODALITES DE REALISATION DES CONTRÔLES FISCAUX 

Afin de faire face à des comportements agressifs ou menaçant, l’article 117 de la loi de finances pour 2024 prévoit que la vérification ou le contrôle peut désormais se tenir ou se poursuivre dans tout autre lieu déterminé d’un commun accord entre le contribuable et l’administration. Cela permet à l’administration, comme cela est déjà reconnu pour le contribuable, de prendre l’initiative d’une délocalisation de ces contrôles, cette initiative pouvant intervenir en cours de vérification ou de contrôle. 

En cas de désaccord, les pouvoirs de l’administration sont renforcés puisqu’elle est autorisée à tenir ou à poursuivre les contrôles dans ses propres locaux sans avoir besoin de motiver sa décision. 

Entrée en vigueur : à compter du 1er janvier 2024 et aux contrôles déjà en cours à cette date. 

 

Stéphanie Desprez, Associée
Annaelle Lousquy, Of Counsel

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