Cass. com. 15 mars 2023 n°21-18.324
Dans un arrêt en date du 15 mars 2023, la chambre commerciale de la Cour de cassation retient que la violation des dispositions statutaires d’une SAS relatives aux décisions collectives peut être sanctionnée par la nullité à condition que cette violation soit « de nature à influer sur le résultat du processus de décision », ce faisant, la Cour de cassation procède à un important revirement de jurisprudence.
Faits et procédure
Dans cette affaire, l’associé unique d’une SAS a approuvé des opérations d’augmentations de capital réservées au profit de tiers devant être réalisées (i) pour partie par voie d’apport d’un fonds de commerce et (ii) pour le solde par voie d’apport en numéraire.
Par suite d’un arrêt rendu par la Cour d’appel d’Angers le 24 janvier 2012, les délibérations collectives concernées ont été annulées et la Cour d’appel a constaté la caducité corrélative du traité d’apport.
Le 24 mars 2012, en conséquence de ce qui précède l’associé unique et président de la SAS décide de prendre acte de l’arrêt de la Cour d’appel d’Angers et de constater que la SAS n’avait jamais cessé d’être une SAS unipersonnelle. Soutenant qu’il avait été privé de ses droits d’associé depuis cette décision, un des tiers concernés décide d’assigner la société en annulation de toutes les assemblées et décisions collectives prises à compter d’avril 2012.
L’arrêt de la Cour d’appel de Rennes en date du 15 juin 2021 fait droit à cette demande et prononce l’annulation desdites délibérations.
La société forme alors un pourvoi en cassation.
Revirement de jurisprudence
Dans son arrêt du 15 mars 2023, la chambre commerciale de la Cour de cassation adopte une position inédite.
La Cour revient ainsi sur une jurisprudence constante selon laquelle, sous réserve des cas dans lesquels une disposition impérative le prévoit, le non-respect des stipulations prévues par les statuts ou dans un règlement intérieur d’une SAS n’est pas sanctionné par la nullité. Cette jurisprudence résultait de la règle selon laquelle la nullité des actes ou délibérations pris par les organes d’une société commerciale ne peut résulter que de la violation d’une disposition impérative du livre II du code de commerce ou des lois qui régissent les contrats.
Dans l’arrêt du 15 mars, la juridiction suprême reconnait qu’il est essentiel au bon fonctionnement de la SAS et à la sécurité de ses actes que les dispositions statutaires qui régissent les décisions collectives des associés, leurs formes et leurs conditions soient respectées.
Les juges du droit admettent ainsi que la jurisprudence existante met à mal cet impératif en limitant la possibilité de sanctionner par la nullité la méconnaissance des statuts. Cette approche prend tout son sens dans la SAS où l’organisation des relations entre associés relève essentiellement de la liberté statutaire.
En conséquence, la Cour de cassation « juge désormais » que la violation des statuts d’une SAS, en ce qu’ils régissent les décisions collectives des associés, peut être sanctionnée par la nullité, demandée par tout intéressé, « lorsque cette violation est de nature à influer sur le résultat du processus de décision ».