Cass. 1ère civ. 19-25.478
Dans un arrêt publié au Bulletin en date du 25 janvier 2023, la Cour de cassation se prononce de manière inédite sur la durée d’un pacte d’associés, qui, bien que calquée sur la durée de vie de la société, ne constitue pas un engagement perpétuel.
Faits et procédure
L’affaire présentée devant la juridiction suprême concerne un conflit d’actionnaires au sein d’une société familiale.
Les associés de ladite société ont ensemble conclu un « pacte d’actionnaires » le 30 janvier 2010.
Le pacte d’actionnaires litigieux a été conclu pour la durée de vie de la société, soit 99 ans à compter de la date d’immatriculation de celle-ci. Il était également prévu d’une part (i) qu’à l’issue des 99 ans, le pacte serait automatiquement et tacitement renouvelé pour la nouvelle durée de la société éventuellement prorogée et d’autre part (ii) qu’à l’occasion de chaque renouvellement, toute partie serait habilitée à dénoncer le pacte pour ce qui la concerne moyennant un délai de 6 mois.
Le 23 février 2017, deux associés ont notifié la résolution unilatérale du pacte. Les autres associés décident alors de les assigner sur le fondement d’une résolution abusive et irrégulière.
La Cour d’appel d’Aix en Provence dans un arrêt du 17 octobre 2019 ne fait pas droit à cette demande. Elle précise notamment qu’en respectant les stipulations du pacte, les intéressés ne pouvaient en sortir qu’à un âge avancé, qu’à ce titre « cette durée excessive avec un renouvellement automatique tous les 99 ans, qui confisque toute possibilité réelle de fin de pacte pour les descendants fait que ce contrat est à durée indéterminée ».
En qualifiant le pacte de contrat à durée indéterminée, la Cour d’Appel déclare en conséquence, qu’il était possible d’y mettre fin à tout moment sous réserve d’un délai de préavis raisonnable.
Revirement de jurisprudence
Dans un arrêt du 25 janvier 2023, la chambre commerciale de la Cour de cassation, qui se prononce sur cet aspect de la décision, casse partiellement la décision des juges du fonds et déclare pour la première fois sans ambiguïté que « la prohibition des engagements perpétuels n’interdit pas de conclure un pacte d’associés pour la durée de vie de la société, de sorte que les parties ne peuvent y mettre fin unilatéralement. ».
Par conséquent, et contrairement aux jurisprudences antérieures, il apparait clairement que le pacte d’associés conclu pour la durée de vie de la société ne constitue pas un engagement perpétuel. A ce titre, le pacte d’associés n’est pas qualifié par la juridiction suprême de contrat à durée indéterminée et il n’est donc pas possible de le dénoncer à tout moment.
Ainsi, cette jurisprudence inédite tranche une question régulièrement posée par les praticiens du droit des affaires s’agissant de la durée d’un pacte d’actionnaires.
Bon à savoir :
Bien que cet arrêt témoigne du pragmatisme des juges du droit, il soulève toutefois la question de l’organisation de la résiliation du pacte. Nous recommandons d’apporter la plus grande vigilance à la rédaction des clauses afférentes à la modification, la mise à jour et la résiliation du pacte en détaillant notamment les circonstances et le cadre juridique les concernant.