Cass. Com. 20-22.063
Dans un arrêt publié au Bulletin en date du 9 novembre 2022, la chambre commerciale de la Cour de cassation se prononce une nouvelle fois sur la faculté d’un créancier d’engager la responsabilité d’une société mère du fait de sa filiale.
Faits et procédure
L’affaire présentée devant la juridiction suprême concerne l’existence de plusieurs créances, entre deux sociétés commerciales, nées à l’occasion de la conclusion d’un contrat de prestations de services.
Aux vues des factures impayées, le prestataire a mis en demeure son débiteur de procéder à leur règlement. La société débitrice, détenue à 99% par sa société mère, n’étant pas en mesure d’honorer lesdits paiements, a laissé sa société mère régler partiellement ses créances.
Le prestataire, n’ayant pas été intégralement désintéressé, a assigné en paiement la société mère à la suite d’une mise en demeure infructueuse.
La Cour d’appel de Paris dans un arrêt du 10 septembre 2020 condamne la société mère à régler au prestataire le solde des factures litigieuses impayées de sa filiale.
La société mère forme un pourvoi en cassation à l’encontre de la décision susvisée.
Critères cumulatifs pour engager la responsabilité d’une société mère du fait de sa filiale
Dans un arrêt du 9 novembre 2022, la chambre commerciale de la Cour de cassation, casse partiellement la décision des juges du fonds et déclare : « qu’une société n’est tenue de répondre de la dette d’une filiale que si son immixtion dans les relations contractuelles de cette filiale a été de
nature à créer, pour le cocontractant de celle-ci, une apparence trompeuse propre à lui permettre de croire légitimement qu’il était aussi le cocontractant de la société mère ».
Par conséquent, il apparait que le paiement partiel par la société mère de la dette que sa filiale avait été mise en demeure de payer, n’est pas un élément suffisant pour caractériser à lui seul une immixtion de cette société de nature à créer une apparence trompeuse.
Ainsi, engager la responsabilité de la société mère du fait de sa filiale nécessite une immixtion telle de la société mère dans les relations commerciales de sa filiale, qu’elle serait de nature à créer une apparence trompeuse permettant au créancier de légitimement croire qu’il était aussi cocontractant de la société mère.
Cet arrêt s’inscrit dans la lignée d’une jurisprudence constante ayant vocation à préserver le principe d’autonomine juridique de la personne morale (Cass. ass. plén. 9-10-2006 ; Cass. com. 12-6-2012 n° 11-16.109).
Bon à savoir :
L’immixtion est caractérisée par différents éléments, dont le principal est l’intervention active de la société mère dans les décisions opérationnelles de sa filiale (par ex. décision de conclure des contrats – Cass. 3ème civ., 14 oct. 1992, 90‐17.817 ou de rompre un contrat – Cass. 3ème civ., 25 févr. 2004, 01‐11.764). La participation au capital d’une filiale, l’usage d’un même logo pour les deux sociétés, un siège social identique, l’existence de dirigeants communs ou de flux financiers ne suffisent pas à caractériser l’immixtion, mais ces éléments peuvent en être des indices (Cass. 3ème civ., 25 févr. 2004, 01‐ 11.764).