QUE CACHE LA « SOCIETE ECRAN » VISEE PAR ATAD 3 ? DES PRECAUTIONS A PRENDRE DES 2022…

Fév 10, 2022

Le 22 décembre 2021, la Commission européenne a dévoilé une nouvelle étape dans son processus de lutte contre l’évasion et la fraude fiscale à travers un projet de directive visant les sociétés écrans. Celui-ci a pour objectif de fournir de nouveaux critères de « substance » communs au sein de l’UE.

Au-delà de nouvelles obligations fiscales, notamment déclaratives, si le manque de substance est avéré, les sociétés écrans cesseront de bénéficier des mécanismes de lutte contre la double imposition.

CARACTERISATION D’UNE « SOCIETE ECRAN »

PREMIERE ETAPE : IDENTIFIER LES ENTREPRISES VISEES PAR LA NOUVELLE DIRECTIVE – LE TEST DE SUBSTANCE

Pour déterminer si une entreprise doit être soumise aux nouvelles obligations déclaratives établies par la Commission, des critères cumulatifs ont été dégagés. Il y a présomption de société écran si au cours des deux dernières années :

  • plus de 75 % des revenus de la société ont une origine passive (dividendes, intérêts, redevances, revenus immobiliers, etc.) ;
  • plus de 60 % des revenus de la société ont une origine transfrontalière ou plus de 60 % de ses actifs immobiliers ou mobiliers dont la valeur excède 1 million d’euros se trouvent à l’étranger ;
  • la société a un recours important à la sous-traitance pour ses activités de gestion quotidienne et de prise de décision.

Si ces conditions sont remplies, les entreprises doivent alors se plier aux obligations de la deuxième étape du processus.

Une dérogation est toutefois prévue dans certaines situations. Quand bien même elle entrerait dans le champ d’application de ces critères, une société n’aura pas besoin de se soumettre aux obligations déclaratives si, notamment :

  • ses titres sont admis sur un marché financier réglementé ou si elle exerce une activité réglementée (sociétés d’investissement, institutions financières, société d’assurance, etc.)
  • elle emploie au moins cinq salariés à temps plein dédiés à l’activité générant ses revenus ;
  • elle se trouve dans une situation purement domestique (la société, ses actionnaires / bénéficiaires effectifs ainsi que les sociétés dans lesquelles elle détient des participations sont situées dans le même Etat membre).

 

DEUXIEME ETAPE : DECLARATION DE CERTAINES INFORMATIONS SPECIFIQUES

Une société présumée être une entité écran doit fournir de nouvelles informations dans sa déclaration annuelle de revenus.

Elle doit ainsi déclarer si elle remplit ou non les indicateurs de substance minimum suivants :

  • locaux: disposer de locaux propres dans son Etat de résidence ;
  • compte bancaire: disposer d’au moins un compte bancaire actif au sein de l’Union Européenne ;
  • personnel (alternativement) :
    dirigeants : avoir au moins l’un des dirigeants résident dans le même Etat membre que celui où la société est établie (ou frontalier), avoir le pouvoir de prendre des décisions de direction et user de ce pouvoir de manière régulière, ne pas être employé ni exercer de fonctions de direction dans des entreprises non liées ;
    salariés: la majorité des salariés à temps plein doivent être résidents dans le même Etat membre que celui où la société est établie (ou frontaliers) et disposer des compétences requises pour l’exercice de leurs fonctions.

En fonction des réponses et informations fournies, l’administration fiscale de l’Etat membre concerné pourra, soit confirmer la présomption de société écran en considérant que la société n’a pas assez de substance, soit, à l’inverse, admettre que la société dispose d’un minimum de substance et ce pour le restant de l’exercice fiscal à venir.

 

TROISIEME ETAPE : RENVERSER LA PRESOMPTION DE NON-SUBSTANCE

Il s’agit d’une présomption simple qui peut être renversée en présentant des éléments relatifs :

  • à la justification économique de l’existence de la société ;
  • au fait que les décisions concernant l’activité générant les revenus passifs soient prises dans son Etat membre de domiciliation ;
  • au profil de ses salariés, leur qualification, leur pouvoir de décision, leur rôle et position dans l’organigramme, la durée et le type du contrat de travail.

Si la présomption n’est pas renversée, alors il sera établi que l’entreprise est une société écran.

Si la présomption est renversée par l’entreprise, l’Etat membre dans lequel elle est domiciliée pourra décider que cette situation lui sera applicable pendant une durée de 5 ans (sous réserve de l’absence de changement dans la situation de la société).

 

CLAUSE DE SAUVEGARDE

Il existe toutefois une exception pour les sociétés qui n’auraient pas passé le test de substance. En effet, la société qui n’a pas passé la première étape devra démontrer que son interposition n’a pas permis de réduire la charge fiscale des bénéficiaires effectifs ou du groupe auquel elle appartient.

LES CONSEQUENCES A PREVOIR POUR LES SOCIETES ECRANS

LES CONSEQUENCES DANS L’ETAT OU LA SOCIETE EST ETABLIE

L’Etat membre dans lequel la société est établie pourra :

  • refuser la demande de certificat de résidence fiscale formulée par la société ; ou,
  • lui attribuer un certificat de résidence spécifiant que la société ne pourra pas bénéficier d’accords ou conventions prévoyant l’élimination de la double imposition.
LES CONSEQUENCES DANS LES ETATS MEMBRES AUTRES QUE CELUI DE LA SOCIETE

Les Etats membres autres que celui dans lequel la société est établie devront refuser l’application des dispositifs d’élimination des doubles impositions à la société.

Par ailleurs, l’Etat membre des actionnaires de la société devra taxer les revenus en cause comme s’ils avaient été perçus directement par les actionnaires.

L’ECHANGE AUTOMATIQUE D’INFORMATIONS

Les informations concernant les sociétés écrans feront l’objet d’un échange automatique d’informations entre les Etats membres au travers d’un répertoire centralisé des autorités fiscales.

SANCTION PECUNIAIRE

En cas de manquement aux obligations établies par la directive, les entreprises pourront se voir appliquer une sanction pécuniaire qui devrait correspondre, selon le projet, à au moins 5 % des revenus[1] de la société écran.

ENTREE EN VIGUEUR

Le projet devrait faire l’objet d’une transposition par les Etats membres au plus tard le 30 juin 2023 et entrer en vigueur le 1er janvier 2024.

Les critères permettant d’établir qu’une entreprise est une société écran seront appréciées au regard de sa situation sur les deux années précédentes, les tests de substance doivent donc être réalisés dès 2022.

 

[1] Le texte de la directive fait toutefois référence au terme « turnover » et non au terme « income ».

photo by  Guillaume Périgois  on Unsplash

Articles récents

Classement 2024 – Private Equity

L’équipe M&A BERRYLAW (Delphine Bariani, Jérome Majbruch, Romain Franzetti, Stéphanie Desprez, Pierre Bouley et Paul-Marie Schneider)  reconnue dans le classement des meilleurs cabinets d’avocats en capital développement et LBO dont la majorité des opérations...

CLASSEMENT 2024 – Fusions-acquisitions

L’équipe M&A BERRYLAW (Delphine Bariani, Jérome Majbruch et Romain Franzetti) reconnue dans le classement des meilleurs cabinets d’avocats en fusions acquisitions dont la majorité des opérations est inférieure à 200 millions d’euros (octobre 2024) :...

CLASSEMENT 2024 – Fiscalité des transactions 

L’équipe Corporate tax BERRYLAW (Pierre Bouley – Stéphanie Desprez) reconnue dans le classement des meilleurs cabinets d’avocats en Fiscalité des transactions (juillet – aout 2024) : 2 **