Le Conseil d’Etat (CE) rend trois arrêts relatifs aux management packages
Les « management packages » permettent aux actionnaires d’aligner les intérêts de leurs dirigeants ou salariés sur les leurs. Les intéressés bénéficient ainsi de la création de valeur de l’entreprise dans laquelle ils travaillent. Il s’agit de s’adapter au modèle capitalistique actuel dans lequel les rémunérations évoluent à un moindre rythme compte tenu de leur coût pour l’entreprise, tandis que la valeur des entreprises augmente sensiblement.
Plusieurs mécanismes existent : AGA, BSPCE, stock- options, participation / intéressement des salariés. La loi Pacte (2019) a créé un nouveau dispositif de partage de la plus-value avec les salariés. Néanmoins, ces mécanismes sont strictement encadrés et leurs effets parfois limités.
Dès lors les actionnaires sont amenés à proposer aux équipes opérationnelles des outils plus attractifs.
Dès 2001 une réponse ministérielle précise que dans la mesure où l’avantage accordé aux salariés n’entre pas dans le cadre d’un dispositif légal d’épargne/actionnariat salarié, « tous les avantages en nature ou en argent accordés à un salarié, qui trouvent leur origine dans le contrat de travail […] sont imposables […] dans la catégorie des traitements et salaires (RM n°50871 : JOAN 14 mai 2001, p. 2801, JP Baeumler, reprise dans le BOFIP).
En 2014, le Conseil d’Etat a mis en œuvre ces principes dans une décision de principe Gaillochet concernant des options d’achat d’action (CE 26/09/2014 n°365573).
En 2015, l’Administration fiscale française a publié une carte des pratiques et montages abusifs et précisé que si les titres sont attribués dans des conditions préférentielles, eu égard à la qualité de salarié ou mandataire social, sans prise de risque financière ou en contrepartie d’un investissement modique, les gains qui en sont issus constituent un avantage en argent imposable dans la catégorie des traitements et salaires.
Depuis, plusieurs arrêts ont été rendus, généralement en défaveur des contribuables (arrêts Wendel, ASH notamment). L’analyse de ces arrêts met en exergue deux conditions à respecter pour se prémunir d’une requalification en salaires :
(i) les titres sont accordés à des conditions normales et (ii) le bénéficiaire procède à un réel investissement en subissant un aléa.
Le CE vient à nouveau de se prononcer par 3 arrêts rendus par les 4 chambres spécialisées en doit fiscal :
1. Un fonds d’investissement consent en février 2006 et juin 2007 à un dirigeant des options d’achat à 1€ dont le nombre dépend du TRI du fonds, contre une indemnité d’immobilisation de 15 000€ ; le dirigeant lève l’option en septembre 2008 et cède les actions acquises 4 jours après, pour 3,54€, réalisant un gain de 492k€ ; Le CE annule l’arrêt de la CAA qui avait validé l’imposition de ce gain en tant que plus-value mobilière en tenant compte du risque prix par le dirigeant de la perte de son investissement de 15 000€ : la CAA ne peut pas se borner à relever le risque de perte de l’investissement sans « rechercher si le gain […] trouvait essentiellement sa source dans l’exercice par l’intéressé de ses fonctions de salarié ».
2. Une société opérationnelle propose en janvier et juin 2002 à un dirigeant d’acquérir des BSA pour un prix unitaire (PU) de 0,15€. Le dirigeant achète 222 000 BSA en juin et octobre 2002 (soit un prix total de 33k€). Ces BSA donnent le droit d’acquérir des actions au PU de 49€. En septembre 2003, le dirigeant signe avec l’actionnaire majoritaire de la société opérationnelle une convention d’options croisées d’achat et de vente :
– le dirigeant consent une option d’achat à l’actionnaire majoritaire de la société de ses BSA pour un PU de 13€, ce prix étant déterminée sur la base d’une évaluation unitaire des titres de la société opérationnelle à 62€ (correspondant au gain d’acquisition de 62–49 = 13€) ;
– l’actionnaire majoritaire consent une option de vente de ses BSA au dirigeant pour un PU de 9€, déterminé sur la base d’une évaluation unitaire des titres de la société à 58€ (correspondant au gain d’acquisition de 58-49 = 9€).
En janvier 2005, l’actionnaire majoritaire exerce son option d’achat dans les conditions prévues par la convention précitée et le dirigeant cède ses BSA pour un prix total de 3M€ (gain net = 3M – 33k€).
La CAA valide le rappel d’impôt sur le revenu au titre des traitements et salaires, contrairement au CE qui annule l’arrêt de la CAA pour erreur de droit dans la mesure où cette dernière n’a pas « recherché si la convention d’échange d’options […] avait été conclue dans des conditions constituant une contrepartie des fonctions de dirigeant alors exercées […] dans la société[…] ».
3. Au mois de septembre 2005, le président d’une holding de reprise souscrit 61 250 actions ordinaires au PU de 16€ (soit un investissement de 980k€). La société émet également 61 250 BSA à son profit au PU de 0,32€. En 2007, l’intégralité des actionnaires de la holding de reprise, dont le président, cède les actions de la holding de reprise. L’administration fiscale, la CAA et le CE estiment que le gain retiré de la cession des BSA est un salaire et non une plus-value mobilière.
En définitive, pour le CE :
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le fait que les options d’achat ou les BSA ont été « acquis ou souscrits à un prix préférentiel au regard de leur valeur réelle à la date de cette acquisition ou souscription » est de nature à révéler l’existence d’un avantage imposable en salaire « lorsqu’il trouve essentiellement sa source dans l’exercice par l’intéressé de ses fonctions de dirigeant ou salarié » ;
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cet avantage est imposable « l’année d’acquisition ou de souscription des options ou des bons » ;
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le caractère préférentiel du prix est «sans incidence sur la nature du gain réalisé ultérieurement » lors de la cession du bon ou du titre acquis dans le cadre de l’exercice de l’option/bon. Le gain de cession bénéficie donc bien du régime des plus-values mobilières, en étant taxable au taux du prélèvement forfaitaire unique (30%). Néanmoins, « lorsque l’action est cédée dans des délais tels que sa valeur réelle n’a pas évolué depuis la levée de l’option, l’Administration est fondée à imposer l’intégralité de l’écart de prix entre le prix de cession et le prix d’achat majoré du montant acquitté pour acquérir l’option dans la catégorie des traitements et salaires » ;
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si les gains liés à la cession de BSA sont bien des gains en principe imposables selon le régime des plus-values de valeurs mobilières, y compris lorsque les BSA sont souscrits par un dirigeant de l’entreprise, il en va autrement lorsque ce gain doit être regardé comme acquis « non a raison de la qualité d’investisseur, mais en contrepartie de ses fonctions de salarié ou de dirigeant ». La qualification de plus-value de cession de valeurs mobilières doit être écartée lorsque l’intéressé « a bénéficié d’un mécanisme lui garantissant dès l’origine ou ultérieurement, le prix de cession de ses bons dans des conditions constituant une contrepartie de l’exercice de ses fonctions de dirigeant ou de salarié » ;
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la CAA prouve que le gain a essentiellement la nature d’un versement à caractère incitatif par lequel les actionnaires entendent rétribuer les fonctions professionnelles du salarié, en l’associant au partage de plus-value lorsqu’elle relève que :
o le rapport du comité d’investissement mentionne « le futur « manager de reprise » devant exercer les fonctions de PDG […] et dont les modalités d’intéressement restaient à affiner sur la base des formules habituelles » ;
o le pacte d’actionnaire prévoit que les investisseurs ont pour intention d’accompagner la société pendant une durée comprise entre 3 et 7 ans afin de participer au projet de développement élaboré avec le président, détermine les modalités d’exercice de ses fonctions et ses obligations envers la société ainsi que les conditions d’incessibilité temporaires de ses titres, lui impose une obligation de loyauté, lui fixe une obligation de non concurrence, et comporte une promesse de vente et d’achat de ses titres en cas de décès départ ou violation de ses engagement pour un montant d’1 euro ainsi qu’une promesse unilatérale d’achat des investisseurs ;
o les BSA ont été attribués au seul président de la holding de reprise, recruté comme directeur du développement de la société opérationnelle par un contrat de travail ;
o le contrat de BSA faisait dépendre la faculté de les exercer et leur nombre (i) de l’obtention d’un TRI minimum à l’issue de l’opération de rachat par un repreneur et (ii) de la réalisation par les investisseurs d’un multiple supérieur à 2 lors de la revente de leurs titres et ce « afin, selon les termes du contrat de BSA d’opérer une rétrocession au manager d’une super plus- value » ;
o Le président s’engage à ne pas céder les BSA en dehors des cas limitativement prévus par le pacte d’actionnaire.
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1.CE 13 juillet 2021 n°428506
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2.CE 13 juillet 2021 n°437498
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3.CE 13 juillet 2021 n°435452